Dans cet épisode, nous mettons en lumière un dispositif marquant de la formation à
l'Institut Agro Rennes-Angers, la démarche scientifique.
Au cœur des apprentissages des élèves ingénieurs se trouve la démarche scientifique, une approche
rigoureuse qui leur permet de répondre à des questions complexes.
Il ne s'agit pas seulement d'accumuler des connaissances, mais surtout de savoir
les mobiliser pour analyser des situations dans leur contexte global.
Les futurs ingénieurs agronomes apprennent à formuler des questions de recherche, à
poser des hypothèses et à conduire des analyses en utilisant des méthodes et des outils adaptés.
Ils se doivent de vérifier la qualité et la fiabilité des données sur lesquelles
ils s'appuient.
Thibaut Tesson, élève ingénieur L3 agronome, a répondu à mes questions lors de ses séances
ETD entre décembre 2024 et janvier 2025.
Je l'ai suivi durant trois semaines dans la construction collective de sa démarche
dont les productions finales étaient une synthèse bibliographique et un poster scientifique.
Je vous invite à découvrir comment ce dispositif pédagogique participe à sa construction
personnelle et professionnelle.
Je m'appelle Thibaut, je suis étudiant ici à l'Institut Agro Rennes-Angers et je
travaille dans le cadre du cours de démarche scientifique sur la perception des risques
en lien avec l'autonomie alimentaire.
C'est un sujet très vaste qui va prendre en compte les aspects sociologiques, économiques,
politiques et aussi en lien avec l'agriculture sur comment notre système pourrait évoluer
vers quelque chose de plus autonome, d'être autonome en termes d'alimentation.
Comment j'ai choisi ce sujet ? J'ai choisi parmi tous les sujets celui qui avait le plus
de liens avec la sociologie et qui balayait tous les champs sociologie, économie, psychologie,
politique.
Ce qui m'intéresse, c'est de faire des liens entre chaque branche, chaque science, parce
que je ne considère pas que la science de l'agronomie soit rangée dans une seule catégorie.
Elle est forcément en lien avec plein d'autres choses, mais j'aime bien faire ce lien pour
avoir une vision d'ensemble.
Donc l'objectif de notre sujet, c'est d'observer comment la population peut percevoir le risque
de rupture alimentaire, d'insécurité alimentaire et pour ça, on a décidé de faire un questionnaire
où on a interrogé des gens en ligne, on a mis le questionnaire en ligne et on a interrogé
aussi des gens dans la rue et avec des questions portées sur leur perception des risques.
Le sujet est déjà en soi très difficile, parce qu'on parle de perception des risques,
donc que chaque pays perçoit différemment le risque, l'autonomie alimentaire, personne
n'y est encore aujourd'hui, selon nos recherches, et après mettre ça sous le prisme des enjeux
géopolitiques, économiques qui sont quand même nombreux et très complexes, qui datent pour
certains depuis des années, c'est un travail assez complexe, et des craintes d'oublier des
aspects du sujet, d'oublier certains enjeux, de caricaturer un peu le problème selon les
pays. C'est un peu le risque et en même temps on est un peu obligé en six pages.
Donc essayer d'embrasser le sujet tout en n'étant pas dans la caricature, c'est un peu ça le risque.
Le rendu final c'est un poster, on va devoir présenter ce sujet, finalement c'est d'intéresser
les gens à notre sujet, je crois, et pour nous aussi de comprendre un peu les enjeux,
enfin je crois que c'est un peu multiple les enjeux de ce travail là.
C'est quoi les enjeux de ce travail là ?
C'est de mieux comprendre notre thème, de répondre à une problématique déjà de base,
et de comprendre ce qui fait notre sujet, l'essence de notre sujet, et le partager aux gens, je crois.
C'est quoi l'essence du sujet ?
L'essence du sujet c'est ce qui fait qu'aujourd'hui c'est une problématique,
l'autonomie alimentaire. Ce qui fait que pourquoi aujourd'hui on en parle ? Qu'est-ce qui,
en France, dans l'Europe, dans le monde, fait qu'on a besoin de se questionner sur
cette autonomie alimentaire ? Pourquoi on a besoin d'en parler ? Donc c'est un peu vaste,
mais si on a besoin d'en parler c'est qu'il y a forcément des enjeux derrière.
Ok, donc c'est quoi les objectifs ?
Les objectifs c'est pour moi, franchement c'est d'avoir une vision qui intègre tous les
tous les enjeux économie, politique, et en plus, en lien avec la démarche scientifique,
d'avoir de nous apprendre, d'avoir un regard critique sur la science en général, la démarche,
la méthode. Qu'est-ce qu'une bonne méthode scientifique ? Parce qu'on en voit plein des
rapports, mais pourquoi c'est rigoureux finalement ? Je pense qu'on m'incite à voir comment la
démarche scientifique fonctionne. C'est un peu l'objectif, ce qu'on attend de moi en tout cas,
et puis bien sûr d'avoir un regard critique sur nos sujets d'autonomie alimentaire.
L'objectif d'une démarche scientifique c'est de partager à une communauté,
pas forcément scientifique, d'ailleurs je vois plutôt ça destiné à des personnes
qui ne sont pas dans les sciences, par exemple des journalistes, donc leur partager notre démarche,
notre méthode, qu'elle soit comprise et qu'elle ne soit pas déformée, je pense,
et qu'on ne lui fasse pas dire n'importe quoi. Et nous aussi, en fait, quand on a cet objectif-là,
on est garant du fait de donner une information juste, claire, et qui ne soit pas déformée,
qui ne soit pas sortie de son contexte. Si je reprends le premier document qu'on a dû envoyer
sur notre sujet, on était garant que du fait que nos sources soient valables, qu'elles soient
indiquées clairement, qu'on puisse les retrouver, qu'elles ne soient pas trop datées. Première
séance, j'étais à fond, je me suis dit ok je sais ce que c'est la démarche scientifique. Deuxième
séance, je crois que si on reprend ma définition, je ne sais plus ce que j'ai donné, je pense que
c'était un peu flou. Là, aujourd'hui, ça l'est toujours, mais un peu moins. C'est en fait un
travail qui, on n'a pas l'impression en fait, pense d'être scientifique, de faire quelque chose de
scientifique. On est vraiment en train de bourriner sur notre air, sur notre ordinateur, sur nos
données, où on n'y arrive pas, où notre mentor Sébastien doit nous guider. On a vraiment ramé
sur les questions à poser. Donc ça a été un peu une bataille, et je pense qu'on n'a pas eu
l'impression de faire un boulot très clean, posé, fluide. Maintenant je sais pourquoi je fais ce
travail, mais j'ai pas l'impression qu'il soit rigoureux, qu'il soit scientifiquement parlant.
Je pense qu'on nage un peu dans l'espace. On se prend la tête, surtout que notre sujet est très
compliqué, on se prend la tête vraiment pour des trucs parfois insignifiants, de questions,
on se dit, oh là là, mais où on va ? Parfois on perd un peu le fil de, mais qu'est-ce qu'on veut
au final ? On veut juste classer notre population, voir comment on aperçoit les risques. Ok, donc si
on se réfère à cet objectif-là, comment on remet en marche la machine pour que le groupe avance plus
vite ? Parce que parfois on se posait des questions qui n'étaient pas du tout en rapport, et en fait
on se rend compte, mais en fait c'est pas grave, ça faut qu'on avance. Sur les données, en soi,
c'est pas le plus important d'apporter des données sur R, c'est juste que nous on mouline,
on est à la tête dans l'ordinateur, on se dit, mais on va jamais arriver, alors que bon, c'est pas ça.
Du coup, sur notre ressenti, c'est assez compliqué. Qu'est-ce que vous auriez, vous, appris ? Qu'est-ce
que j'ai appris ? C'est plus au niveau du questionnaire, on va dire, comment on formule
des questions, quelles questions poser pour pouvoir faire en sorte que les personnes puissent
s'approprier le questionnaire, et donc qu'elles puissent répondre correctement à nos questions.
En fait, c'est toute une histoire qu'on a eu beaucoup de débats dans le groupe sur comment
on formule certaines questions, quelles questions on pose, quelles questions on ne pose pas,
pourquoi cette question on la poserait, et l'autre pas, pourquoi certaines personnes voudraient
répondre à cette modalité de réponse, donc pas d'accord, on avait une échelle de pas du tout
d'accord à tout à fait d'accord, pourquoi des personnes voudraient répondre tout à fait d'accord,
ou d'autres pas d'accord, donc ça, ça nous a appris à poser ce genre de questions, pour qu'il
y ait vraiment une différence de réponse parmi toute notre population, donc là, ça, j'ai appris
quelque chose là-dessus. Qu'est-ce que vous avez compris, Thibault ? De la démarche scientifique ?
De la démarche scientifique dans le cadre de ce projet ? Qu'est-ce que j'ai compris ?
En fait, le plus embêtant, c'est de trouver une méthode, je pense. Une méthode scientifique rigoureuse,
c'est ça qui nous, qui occupe le plus notre esprit, quoi. Se demander si notre méthode, elle n'a pas
de faille, quoi, si là, on ne se base pas sur des hypothèses qui ne tiennent pas la route du tout, c'est ça.
Qu'est-ce que vous retenez de cet exercice ? Qu'est-ce que je retiens de cet exercice ? Un peu de frustration,
comme je l'ai décrit tout à l'heure, quand même, sur notre travail au jour le jour, on se rejoint,
on se demande parfois où on va, quels sont les enjeux de notre... Tout le temps, en train de se rappeler,
mais où on va ? C'est vraiment la question à chaque séance de groupe, où est-ce qu'on veut aller ? Je
pense qu'on ne se l'est pas assez posé, cette question, parce qu'on aurait été beaucoup plus efficace
si on s'était posé tout le temps. Donc je pense que, dans le futur, quand j'aurai un travail à rendre, peu
importe lequel, je pense, je me dirai où est-ce que je veux aller, quelles questions je me pose et
quelles réponses je veux y apporter. Alors c'est une bonne transition, est-ce que vous arrivez à vous projeter dans un futur professionnel ?
Bah du coup, oui, c'est clairement ce que je viens de dire, je pense que dans le futur, au-delà de la
démarche scientifique, bien présenter ses données, sa bibliographie, c'est très important, mais nous,
personnellement, qu'on soit en groupe ou seul, face à un travail, c'est vraiment cette histoire de méthode,
parce que c'est vraiment compliqué, cette histoire, pour qu'elle soit valable sur un long
terme, ensuite que les gens puissent la comprendre, puissent l'approprier, et que même
nous, on soit satisfait de ce qu'on rend, de ne pas se dire, le jour du rendu, c'est ma méthode un peu
bancale, je vais un peu glisser sous le tapis certains éléments, et voilà, maintenant, je pense
que c'est vraiment le plus important, cette histoire de méthode. Donc, en tant que futur ingénieur, est-ce que vous avez
identifié des compétences attendues, et que vous auriez mises en oeuvre ? Bon déjà, le travail en groupe,
ça c'est indéniable, travailler en groupe, répartir la parole, ça n'a pas été simple, il y a des personnes pour
qui prendre la parole, c'est plus compliqué que d'autres, du coup, il faut donner la place à tout le monde,
il y a des personnalités où on prend très vite la parole, on parle plus fort que les autres, et d'autres,
où on parle, mais on est plus attentif aux autres, donc voilà, ça, ça a été, pour moi en tout cas, faire attention à ce que tout le monde ait la parole,
et ensuite, je reviens sur cette histoire de méthode, encore, trouver la bonne question, la bonne problématique,
et ensuite, trouver cette fichue méthode pour bien y répondre, et ça peut prendre, en fait, on se rend compte que ça peut prendre du temps,
vraiment beaucoup de temps, je pense que ça peut prendre des mois, et en plus, ce qui est dingue, je vais finir là-dessus,
c'est que chaque jour, en fait, on pense différemment, on se lève du matin, avec une journée nulle la veille,
et on peut voir parfois des bouts de sujets, mais complètement différemment, c'est assez impressionnant,
entre nous, dire, ah ce matin, je me suis lu, mais j'ai pensé à autre chose, en fait, ça nous absorbe, c'est assez impressionnant.
Thibault retire de son expérience une compréhension plus fine des défis liés à la démarche scientifique,
notamment l'importance de la méthode et de la rigueur.
Il prend conscience que la construction d'une problématique et d'une méthodologie adaptée est un processus complexe,
parfois frustrant, nécessitant des ajustements constants.
Il craint, par exemple, que certaines hypothèses ne soient pas valides,
il mesure la difficulté de construire collectivement un questionnaire,
il constate qu'il est difficile de maintenir un objectif.
Il retient également l'importance du travail en groupe, de la communication et de l'écoute active.
Enfin, il réalise que la science repose sur une démarche critique
et une capacité à partager des résultats de manière claire et compréhensible.
Cette expérience l'amène ainsi à développer des compétences essentielles pour son futur métier d'ingénieur,
comme la rigueur scientifique, la capacité d'analyse et de synthèse et le travail en équipe.
Si vous souhaitez en savoir plus sur la construction personnelle et professionnelle de nos élèves ingénieurs,
rendez-vous sur notre série Ingénieurs en herbe, identité en chantier.